La fête du 15 aout à Luc

LA  FÊTE  DU 15  AOÛT  à  LUC-SUR-ORBIEU

 

La fête de LUC, se déroulait sur la place centrale du village point stratégique de toutes les manifestations Lucquoises puisque  existait à cet endroit les deux plus importants cafés de la localité. Il faut souligner qu'à l'époque avant la guerre de 1914 on ne comptait pas moins de sept cafés dans le village dont l'emplacement et le nom des tenanciers sont les suivants :

*Café JALARDOU (situé dans le jardin de la maison DUQUESNE - RODRIGUEZ - BOUSQUET).

*Café Marguerite JAUME (maison et épicerie Abeille Audoise tenue longtemps par Léonie VILLA et actuel salon de coiffure KARINE).

*Café Joseph LAGARDE dit "Le Nègre" (maison BAYRE, habitée actuellement par Joseph BAYRE).

*Café FROMILHAGUE tenu par Prosper FROMILHAGUE (sur la place,  ancien salon de coiffure CROS)

*Café Paul PECH (ancienne maison DELAPLACE, ancienne épicerie TEISSEIRE, encadrant la place,  en se plaçant devant sa façade se trouve  à sa droite la maison CROS, à sa gauche l'ancien café devenu le restaurant LA LUCIOLE et au fond la maison DANTRAS)

*Café BARRIE (tenu par ASPERGE, parents de  Mathide BERLAN  et aussi ancien café de Marinou KOSINSKI, actuellement restaurant LA LUCIOLE).

*Café LE TONKIN (sur la route de Lézignan, ancienne maison LASSERE).

De tous ces cafés ne sont restés que  deux rescapés :

*Le café situé entre l'ancien presbytère et la maison CAMPS appelé dès lors CAFE DES SPORTS et successivement tenu par : BARRIE , DELPOUX , ASPERGES , FROMILHAGUE Louis (mari de Clotilde ) , RAMIREZ , LACANS , BONNET , KOSINSKI Marinou , CAYLA Pierre , CREBASSA , LEZINA , CHANTOUIN .

* Le café ancien salon de coiffure CROS , appelé CAFE CENTRAL et successivement tenu par: FROMILHAGUE Prosper , MAURY , ROSA , PERDIGUEZ , SOURNY , GONZALEZ , ALIAGA , MICHOU , FIGAROLLA , DOMINGUEZ .

Revenons désormais aux fêtes de LUC qui avant la seconde guerre mondiale avaient un caractère particulier, en effet malgré le fait qu'elles se déroulaient en plein été, le bal était entièrement couvert, pour cette occasion on se servait de  poteaux qui étaient acheminés par des chevaux  prêtés par les  propriétaires viticoles.

Ces poteaux étaient plantés tout autour de la place et le plus haut appelé  pilier , était  placé au  centre  , il  servait de point d'attache  pour couvrir le bal de bâches (appelés BOURRAS qui étaient d'anciens sacs de toile de jute cousus entre eux  pour transporter le fourrage durant la saison des moissons ) , les jeunes filles  étaient chargées de rassembler  ces bâches  en les cousant les unes aux autres pour former le toit du bal .On fixait tout d'abord ces bâches sur les poteaux latéraux et on les réunissait sur le poteau central . Venait ensuite un décorateur qui plaçait à l'intérieur de ce toit un tissu blanc pour cacher les "bourras ". Venait dès lors la décoration du tour du bal faite avec des tentures auxquelles on accrochait des tableaux et des miroirs, ce qui donnait l'aspect d'une belle salle de danse  très intime et agréable à la vue.

Parlons maintenant de la scène qui a tenu plusieurs emplacements : face à la maison Dantras  ou bien accrochée à la maison Camps , pour ensuite le plus souvent se trouver devant la maison Delaplace (ancien café Pech) devant laquelle on laissait juste le passage d'une personne entre la scène et la bâtisse .

Les cafetiers voulaient chacun une partie de terrasse, il fallait les contenter car ils étaient mitoyens de la place et cela se passait sans comité des fêtes inexistant à l’époque, ainsi que sans l'avis de la mairie qui ne participait pas à l'organisation de la fête.

Il est même arrivé à une époque l'existence de deux bals en même temps, un étant le bal des riches qui se tenait devant la maison Balmigère  dont la terrasse tenue par le CAFE PECH arrivait  jusqu'à la maison Balségur.

Par contre sur la place se tenait le bal des ouvriers dont la terrasse était tenue par le café FROMILHAGUE.

Le matin dès 10 heures les orchestres faisaient "le Tour de Table " que d'élégantes jeunes filles accompagnaient en tenant dans leurs mains une bourse pour recueillir les oboles des habitants qui voulaient participer à ces joyeuses festivités. Quant aux musiciens ils mangeaient et dormaient chez l'habitant car les moyens de transport ne permettaient pas à cette époque de les héberger à des heures très  tardives du matin  dans des hôtels aux alentours.

Une tradition voulait que l'on élise avant la fête le ROI et la REINE du bal, ces deux citoyens de LUC restaient Roi et Reine durant toutes les festivités et ouvraient le bal pendant toute la durée de la fête.

A l'occasion de ces fêtes les jeunes filles achetaient ou confectionnaient leurs robes dont elles se paraient avec fierté, c'était aussi une façon de montrer leur talent en couture. On raconte même que pour éviter de salir la robe de leur cavalière, les cavaliers  plaçaient sur les   épaules des filles des  mouchoirs afin de ne pas laisser des traces de doigts.

Vint ensuite l'après guerre où on continua à dresser le bal couvert jusqu'au début des années 1950, puis manquant de matériel et de main d'œuvre  il fut décidé de ne garder que les poteaux latéraux en les habillant de buis. Les poteaux étaient placés de telle sorte pour aménager plusieurs  entrées qui donnaient sur la place devenue piste de danse non couverte. Les entrées par rapport à la scène accolée à la maison Delaplace se situaient : une  coté rue donnant vers la route de Boutenac , une en face le Café Central , une autre entre le poteau et le marronnier (accès à la place du clocher ) , encore une en face la petite rue du presbytère et la porte du café  des Sports , une autre en face l'angle de la maison Camps et la dernière entre le dernier poteau et le montant de l'autre côté de la scène (côté poste PTT). Une guirlande de corde tressée avec du buis faisait le tour du bal et une autre était  placée en diagonale au dessus de la piste de danse. A ces guirlandes de buis étaient accrochées des guirlandes lumineuses avec des  lampes de couleurs (douilles B22). A l'entrée côté route de Boutenac  et entre les poteaux côté Camps, se trouvaient fixés des demi soleils équipés eux aussi de guirlandes avec des lampes de couleurs.

Restait à monter la scène. Pour cela on faisait appel à l'équipe compétente formée par Jeannot et Jojo BELTRAN, maçon bien connus à LUC qui apportaient : pieds droits, chevrons,  lambourdes, joints, planches de coffrage, etc. …on montait ainsi l'ossature principale de la future "habitation " des orchestres qui allaient animer et égayer les prochains jours de fête.

Mais se posait un autre problème. En effet comme la scène était placée juste contre la maison Delaplace il restait  un large espace entre cette scène qui occupait la rue  et la place qui avait un dénivelé supérieur de 15 cm environ par rapport au bitume. Il fallait donc rattraper cette différence de niveau. On comblait donc avec de l'argile que des charrettes allaient chercher à l'endroit tout indiqué nommé la "Terre Rouge "car ce lieu était riche en argile (cet endroit se situe aujourd'hui aux environs du pont construit au-dessus de l’autoroute, route de  Boutenac). Cette terre était alors déchargée sur la partie qui posait problème , les jeunes étaient chargés de la répandre et de la tasser avec une dame , arrosée,  puis retassée jusqu'à obtenir un sol pratiquement plat (inconvénient de cet ajout de terre argileuse à la piste de danse : lorsqu'un orage éclatait durant la fête et que les danseurs empruntaient cet endroit on pouvait dire adieu aux beaux souliers vernis !).

A cette époque il faut noter que les fêtes de LUC et de FERRALS étaient les plus réputées des fêtes de village (mises à part les grandes fêtes de LEZIGNAN). Les festivités duraient 4 jours et commençaient dans l'après midi à partir de 18h par un bal et un apéritif concert ,ainsi vers les 19h30 tout le monde prenait l'apéritif  dans les deux  cafés installés autour de la place , puis ensuite direction vers les maisons où nous attendait un succulent et conséquent repas de fête avec des invités des villages voisins qui partageaient les agapes dans la joie de retrouvailles . Les repas copieux et interminables se faisaient avec ce que l'on élevait ou cultivait chez soi (légumes du jardin, œufs des poules, canards, poulets, lapins, accommodés soit en sauce  ou rôtis).

C'étaient vers les 22h que la fête reprenait sur la place où tout le monde s'installait à la terrasse des cafés où les places étaient très prisées et  souvent remplies , les cafetiers alors  ne se faisaient pas prier pour ajouter tables et chaises dans les moindres recoins car la fête était pour eux une très bonne aubaine pour réaliser leur gagne pain de l'année .

L'orchestre s'installait sur la scène et la soirée débutait par un concert où se mêlaient musique classique et chants, parfois on produisait durant ce concert des artistes, vedettes plus connues à cette époque  comme : Eric Montry, Pierre Provence, Martine Cerdan, Alexandra, etc…                                                                                                                            Mais ce que les gens attendaient le plus c'était le célèbre RADIO CROCHET dont LUC possédait le plus célèbre des chanteurs en la personne de LOUIS FRANC plus connu sous le nom de LOUIS ROGER bien souvent accompagné de son ami ANDRE VILLA à la voix de ténor (qui chantait entre autre le minuit chrétien le soir de la veillée de noël dans l'église de LUC), participait aussi à ce radio crochet RENE CROS le célèbre coiffeur du village avec le répertoire de TINO ROSSI , il était aussi celui qui chantait dans l'église  l'AVE MARIA lors de la messe de l'Assomption le dimanche du 15 août . En 1957 ce radio crochet amena sur scène deux jeunes Lucquoises que l'on n’avait jamais pu entendre : Gilberte Chapot et Hélène Nesti qui avait interprété "la complainte de la butte".                                                                                               

Tout cela se produisait sous de chaleureux applaudissements jusqu'à la reprise du bal vers les 23h30. Entre temps le père CASTAN arrosait le bal pour éviter la poussière.

A l'époque les orchestres avaient entre 6 à 12 musiciens et nous faisaient danser jusqu'à 2 h du matin ,  avec toutes sortes de danses : pasos , tangos ,cha-cha , valses , mambos , rumbas , etc …et dans les années 60 on avait ajouté au répertoire le  twist , le rock,  slow-rock , madison … Il faut noter que l'ouverture du bal commençait toujours par un paso et la danse la plus recherchée par tout le monde , jeunes et moins jeunes , était le slow, même si on ne savait pas trop danser on se précipitait alors pour aller chercher sa cavalière préférée pour la tenir dans ses bras en espérant du joue à joue ou du moins passer un doux moment .                                                                                                                          Cette danse était aussi l'occasion pour le comité des fêtes de proposer la "Danse des Sucettes ". Ces friandises achetées à bon prix étaient revendues avec un bon bénéfice à chaque couple de danseurs, la plupart  en prenaient deux, mais d’autres, surtout les jeunes peu argentés n'en prenaient qu'une pour l'offrir à leur partenaire. Une danse était très attendue vers les 1heures du matin, c'était la "Danse d'invitation ", la cavalière  comprenait alors qu'elle était la préférée dans le cœur du jeune garçon,  danse après laquelle le  cavalier  l'amenait  au café pour lui payer une consommation. Danse très appréciée par les couples ainsi formés, d'autant plus que les filles accompagnées et surveillées par leur mère en profitaient pour filer discrètement et rejoindre la "CURE" à quelques pas de là, dans l'ombre le long du mur de FABRE, où la jeunesse se rejoignait pour flirter et échanger quelques baisers. Au bout d'une demie - heure le bal reprenait jusqu'à une heure avancée de la nuit et parfois,  cela dépendait des orchestres, jusqu'à l'aube !

Les orchestres choisis par les comités des fêtes étaient parmi les meilleurs de la région et le plus en vogue était  dans les années 60 le: SAVOY JAZZ , dirigé par Madame POUS , ensemble où jouait le célèbre trompettiste Lucquois Ernest BOUSQUET . Aussi célèbre que le SAVOY JAZZ un autre orchestre animait les fêtes : LES COMPAGNONS DU JAZZ , où participait le saxophoniste et violoniste Jean VIE , Lucquois , très apprécié des habitants du village . Il faut aussi nommer les orchestres : MANOLO RUANA , Jean BONNET , Emil GARY , René GALY , l'orchestre GUILHAUMON , et surtout le grand orchestre COPA CABANA où jouait le grand trompettiste JUANITO dit" les lèvres d'acier"  ainsi que son complice Pierre MARCH qui imitait à merveille Fernandel .  Il faut citer aussi l'orchestre TEMPLADO qui était venu une année et qui était la scission de l'orchestre Jean BENTHABERRY de radio Toulouse , orchestre de bal champêtre divisé en deux pour assurer durant les mois de juillet et d'août toutes les fêtes de villages . Parmi ses musiciens on pouvait entendre le grand trompettiste cornet Edouard THAU , à la clarinette Gilbert VOISIN et les célèbres  chanteuses  de  l'époque : Paulette PASTOR et Ginette GARCIN            Plus tard les fêtes de LUC ont vu défiler les orchestres : LIBERTY ORCHESTRA , Lucky NORMAN , Roger MERCURY , CALIFORNIA , TEST, Eric BURTON , Jacky LIONEL et le 17 août 1983 on a pu danser avec le grand orchestre Maurice de THOU .

Ces fêtes étaient également animées par des forains : la roulette de LAFONT, la caravane aménagée de la glace ANDRE, un casse bouteilles s'installait près du platane de la poste, ainsi qu'un petit manège  installé sur la place du clocher. Je me rappelle que le patron du casse bouteille faisait le tour du village dans  l'après midi pour récupérer des bouteilles vides non consignées pour avoir le stock le soir venu.

Puis au fil des années les fêtes de LUC ont déménagé dans la cour du foyer Jean Jaurès en face de l’église, l'ambiance a changé, les cafés n'étaient plus là pour s'asseoir à des tables et permettre aux" vieux"  de regarder leurs jeunes danser, désormais on venait à la buvette boire debout, les moins jeunes n'ont plus fréquenté ces bals si populaires.          La jeunesse a proposé une autre façon de concevoir  la fête, sont devenus les principaux membres des comités et mis au goût du jour une façon bien différente de s’amuser.

Pour terminer mon propos je voudrais rendre hommage à tous les présidents qui se sont succédé durant ces années de festivités,   ces présidents qui se sont donnés entièrement pour que vive le village dans une communauté où personne n'était oublié. Je citerai : Ginés Molina, Jean Amiel, Claude Doums et Albert AURIOL avec toutes leurs équipes qui n'ont pas hésité à donner de leur temps pour apporter une note de bonheur à tous ceux qui aiment la musique et la danse.

Henri NESTI.