Histoires scolaires
HISTOIRES SCOLAIRES
NB : Les noms des personnages cités dans mon texte sur LES HISTOIRES SCOLAIRES sont leur véritable patronyme.
Je suis d'autant plus concerné car plus tard les protagonistes cités devinrent pour l'un mon grand-père : Louis Fromilhague et pour l'autre mon grand- oncle: Louis Ballarin .
De cette façon les Lucquois et Lucquoises encore vivants retrouveront avec bonheur cet heureux temps où les jeunes n'avaient pour seule distraction que des jeux "à malice", actes jamais violents , seulement l'envie de vivre leur vie d'enfant en se divertissant comme ils pouvaient .
À l'époque il n'y avait ni télé , ni Smartphone , ni motos bruyantes pour se faire remarquer .
Lorsque dans les années 60 Jean Charles écrivit La FOIRE AUX CANCRES il ne se doutait pas qu'il y avait eu à LUC-SUR -ORBIEU des élèves qui auraient pu figurer dans son fameux livre .
En effet durant les années 1906 ,1907 les écoles étaient installées dans la mairie actuelle et elles accueillaient des élèves plus ou moins encouragés par leur milieu familial qui privilégiait le travail de la vigne au détriment de l’instruction. En ce début du XX iéme siècle travaillait dans les vignes une main d'œuvre locale (hommes et femmes du village).
Les jeunes à cette époque n'avaient dans le village , pour seule distraction, que des jeux que l'on pourrait qualifier "d'imbécilités " soit pour faire rire leurs copains , soit parfois pour se venger de personnes qu'ils n'aimaient pas , mais précisons que ces actes n'étaient jamais violents , ces enfants n'étaient pas méchants , ils avaient seulement l'envie de vivre leur vie d'enfant en se divertissant .
Je vais donc vous raconter leurs "exploits".
Tout d'abord l'histoire de deux petits garnements qui n'aimaient pas trop l'école et dont l'année en cours s'est brutalement interrompue .
Dans cette classe enseignait Monsieur SENIE instituteur que tout le village appelait "Carbassou " , mais deux élèves se distinguaient et valaient "leur pesant d'or", c'étaient Louis Fromilhague et Louis Ballarin , "les deux LOUIS".
J'ignore pour quel motif l'instituteur les avait punis, mais cette punition fit germer chez nos deux Louis un désir de vengeance .Dans la nuit qui suivit ils partirent ramasser des excréments dans les WC installés à la " CURE" . Ces toilettes publiques étaient construites au- dessus d'un ruisseau qui venait du parc de Fabre. Ce ruisseau se déversait d'abord dans un petit lavoir situé à l'angle des rues de la Cure et du Boulodrome et passait sous les WC qui se résumaient en une chape rustique percée de trous sous laquelle passait ce ruisseau qui allait se déverser dans l'Orbieu .Nos deux énergumènes ramassèrent ainsi un plein seau d'excréments et s'empressèrent dans la pénombre d'aller en bombarder joyeusement le portail de l'école .
Le lendemain matin monsieur Sénié l'instituteur découvrit avec stupéfaction le triste tableau, un portail neuf entièrement maculé! Sidéré, il se promit de ne rien en dire jusqu'à ce que tout ce petit monde fut entré en classe . Après avoir fait asseoir tous ses élèves, il posa la question : qui avait ainsi agi et pourquoi ? Evidemment personne ne se dénonça. Il décida donc la punition générale de toute la classe et elle était dure : un morceau de pain et un verre d'eau pour tous durant le temps de midi à quatorze heures.
Mais une mère de famille qui habitait tout près , ne voyant pas arriver son fils pour manger se rendit à l'école pour en savoir la cause . Or nos deux garnements n'avaient pas prévu que cette brave femme allait être la morale de l'histoire : avoir toujours en tête la vigilance. En effet au moment où nos " deux Louis", passaient à l'acte elle était en train d'uriner derrière une charrette stationnée dans l'angle de la maison AURIOL et DOMENECH . Accroupie derrière la grande charrette, nos deux acolytes ne la virent pas dans la nuit , mais elle , les reconnut très bien et elle donna le nom des deux galopins à l'instituteur.
A la reprise de la classe, l'instituteur fort de la déclaration de la mère d'élève, posa à nouveau la question : qui est coupable ? Devant encore le mutisme général il s'écria : puisque personne ne veut se dénoncer je vous informe que je connais les coupables, Louis Fromilhague et Louis Ballarin .
Nos deux compères comprirent qu'ils avaient été démasqués. Ils reçurent une punition exemplaire en étant privés durant une semaine du repas de midi chez leurs parents avec l'obligation de rester à l'école avec un morceau de pain et un verre d’eau. Ils se gardèrent bien d'informer leurs parents respectifs en trouvant une excuse pour leur absence familiale au repas de midi.
Tout se passa bien durant les deux premiers jours , mais le troisième une idée germa : profiter de l'absence de l'instituteur dans ses appartements dans l'école pour s'enfuir . Or ils étaient enfermés à double tour dans la classe et les fenêtres étaient protégées par un grillage, mais qu'à cela ne tienne , le lendemain ils reviendraient avec le nécessaire pour sortir .
Le jour J , alors que monsieur Sénié fermait la classe , ils patientèrent un instant pour s'assurer qu'il était bien remonté dans son appartement , ouvrirent la fenêtre , cisaillèrent le grillage , sautèrent dans la rue et s'enfuirent à toutes jambes .
On ne les revit plus à l'école durant de longs jours , jusqu'au moment où l'instituteur se décida d'aller frapper à la porte d'Antoinette Ballarin pour lui demander la raison de l'absence de son fils et lui expliquer ce qu'il avait fait . Mais il n'arriva pas à convaincre la brave femme qui se refusait à croire les incartades de son fils , elle lui répondit en patois : "aco es pas bertad , moun fils a pas faït aco" (ce n'est pas vrai mon fils n'a pas fait ça ). Monsieur Sénié repartit vers l'école décontenancé et penaud.
Quant à nos deux galopins , quelques années plus tard , l'un Louis Ballarin s'engagea dans la Marine pour la guerre en 14/18 et rentra ensuite à la Société Méridionale et Transport de Force (plus tard EDF) et l'autre Louis Fromilhague partit à la guerre 14/18 où il fut blessé, puis à son retour travailla la vigne et finit régisseur de la grosse propriété de monsieur Pauly . Ces deux-là qui avaient fait les quatre cents coups ensemble ne se doutaient pas à l'époque qu'ils allaient plus tard devenir beaux-frères !
Voici maintenant, pour poursuivre la suite des exploits de ces gosses des années 1906 -1907 , une autre histoire qui se passe encore dans la classe de nos" deux Louis" .
Il y avait également un autre petit personnage qui fréquentait cette classe riche en spécimens hors du commun pour nous qui vivons en 2020.
Son histoire mériterait aujourd'hui de figurer dans une nouvelle " foire aux cancres", il s'agit d'un nommé Paul Turriès , élève de ce méritant instituteur monsieur Sénié dont la classe était richement pourvue d'élèves un peu benêts .
Ce jour -là monsieur Sénié au cours d'une leçon de sciences naturelles voulait initier ses élèves aux noms des volatiles et plus particulièrement : les oiseaux. À la fin de la leçon pour vérifier les acquis il interrogea l'élève Turriès pour vérifier les connaissances de celui-ci sur les oiseaux.
"Elève Turriès citez-moi trois chants d’oiseaux !"
Ce pauvre Paul Turriès faisait hélas partie des enfants les plus analphabètes de la classe (certaines familles pauvres sollicitaient sans cesse leurs enfants pour travailler la vigne et l'école passait en second plan, ils étaient donc souvent absents et pour aggraver la situation dans les familles on parlait surtout le patois au détriment du français, c'est surtout ce qui arrivait au pauvre Paul qui répondait souvent en patois).
Paul Turriès qui ne connaissait aucun nom d’oiseau, car pour lui toutes les espèces d'oiseaux s'appelaient "oiseau", eut le privilège d'être aidé par ses copains qui lui soufflèrent les réponses. Un premier lui souffla : "le chant de l'alouette", surprise de monsieur Sénié qui le félicita et l'intima d'en citer un second. Un autre copain dans son dos lui souffla : le chant du rossignol " et Paul Turriès de lancer avec sa voix de stentor dans toute la classe : "le chant du rossignol" ce qui le rendit fier comme Artaban d'avoir pu répondre aux questions de son maître. Cependant l'instituteur demanda un troisième et dernier chant. Mais un copain plus farfelu lui souffla : "le chant de Pech Fitou" et Paul toujours aussi fier lança à la figure de son instituteur : "le chant de Pech Fitou "!
Rire général dans la classe ! (En effet il faut préciser que le "chant de Pech Fitou " n'est pas bien sûr un chant d'oiseau , mais tout simplement un champ où les jeunes du village allaient s'entraîner pour la pratique du rugby, d'ailleurs un champ où il y avait plus de cailloux que d'herbe !)
Le vénérable monsieur Sénié comprit très vite que son élève n'avait pas été capable de répondre sans l'aide des souffleurs et qu'il n'avait pas écouté la leçon, baillant comme d'habitude "aux corneilles " . Turriès ignorait bien entendu la différence orthographique entre chant et champ !
L'instituteur fut dès lors tout à fait assuré que l'élève Turriès était hélas étranger à tout progrès !
Mais notre Paul Turriès aimait surtout "en faire de bonnes "c'est pour cette raison qu'il allait souvent au piquet. Or ce piquet se trouvait à l'extérieur de la classe sous les escaliers qui donnaient à l'étage du logement de l'instituteur (là ou plus tard serait installée la cabine de sonorisation pour les publications du village), ce réduit servait aussi de débarras à monsieur Sénié qui y entreposait les sarments pour allumer le feu (les fameuses "bouffanelles ") et également son" barricot" de vin rouge.
Un jour où Turriès avait dépassé les bornes et rendu furieux notre instituteur, ce dernier lui lança : Turriès je ne veux plus vous voir à l’école, vous pouvez prendre les grandes vacances!
Justement nous n'étions pas loin des vacances et Turriès lui répondit du tac au tac : men fouti pas maï , vous aï pla pissat din le barricot !( je m'en fou pas mal, je vous ai assez pissé dans le barricot ).
Le pauvre Sénié pensa tomber à la renverse !
Mais que voulez-vous quand Turriès était puni et enfermé dans ce réduit, il fallait bien qu'il se soulage, alors où le faire, sans que l'on n'aperçoive aucune trace par terre, sinon "pisser" dans le barricot ! Ainsi le vin du barricot était alimenté à chaque punition par" les soulagements" de Turriès et notre instituteur buvait chaque jour ce qu'il croyait être son fabuleux nectar !
Envie de vengeance ? non, mais plutôt malice d'un potache qui ne pensait peut-être pas à faire du mal car il n'en mesurait certainement pas les conséquences.
Ces histoires m'ont été racontées par l'un des deux Louis, le premier Louis Fromilhague était mon grand-père, marié à Emilie Ballarin sœur de Louis Ballarin , hélas mon grand -père est décédé alors que je n'avais que 4 ans , c'est donc l'autre Louis , mon grand oncle , Louis Ballarin qui m'a raconté les exploits de leur enfance .
HENRI NESTI
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